II
« M. l’inspecteur général des Ponts et Chaussées, M. Fulgence Bienvenüe. »
Le petit homme fit un signe de tête courtois à l’officier qui prenait sa canne et son chapeau. Puis il s’engagea dans l’escalier.
Au premier étage, l’huissier l’attendait. Recevoir était sa fonction, mais certaines personnalités motivaient à elles seules les heures d’ennui sous les ors de la république. M. Bienvenüe était de celles-là.
Le Père Métro, comme l’appelaient les journaux populaires, l’ingénieur à qui les Parisiens devaient leur métropolitain, arrivait sur le palier. Dans l’univers en noir et blanc des photographies officielles où il évoluait habituellement, il était un vieil homme au visage creusé, le corps perdu dans un costume trop grand. Sa manche gauche pliée comme au sortir du placard tombait toute droite et débouchait sur le vide, discrètement fixée au flanc de sa veste par une épingle. Il préférait la voir pendre ainsi que plongée dans sa poche. Pas question que son infirmité passe pour de la désinvolture.
Mais à le voir debout sur le palier, comme sorti de la première page du journal, toute cette austérité en était oubliée. Ses yeux bleus pointus, sa barbe grise en triangle, sa moustache un peu trop généreuse qui pointait vers le haut en un sourire pileux, c’était le visage d’un saint Nicolas au régime. Le terrain de jeu de deux sourcils restés noirs qu’une imagination de gamin faisait danser en permanence.
Sans hésiter, il tendit la main en souriant. Cette entorse au protocole ravit l’huissier, qui la serra plus chaleureusement qu’indiqué.
« Monsieur Bienvenüe, je suis enchanté de vous rencontrer. La réunion semble avoir pris quelque retard. Je vous prie de m’en excuser. Veuillez prendre ce siège », proposa-t-il à mi-voix. Il lui sembla que l’inspecteur général venait de lui adresser un clin d’œil en refusant poliment de s’asseoir.
« Eh bien, nous allons discuter, mon ami. J’ai besoin de me changer les idées. » L’ingénieur avait répondu sur le même ton de la confidence. Il se demandait d’ailleurs pourquoi l’huissier avait ainsi imposé le chuchotement. Était-ce simplement une façon de paraître plus respectueux ou le souci de ne pas déranger l’importante réunion qui se tenait à côté ? Un éclat de voix à peine atténué par la porte répondit à sa question.
L’huissier crut bon de s’excuser en souriant.
« Madame la présidente est célèbre pour son caractère entier. »
Madame la présidente. Le terme amusa le vieil homme. Le pays tout entier s’interrogeait encore sur la manière d’appeler cette étoile filante. La France était comme ce fêtard qui se réveille dans les bras d’une midinette en cherchant à se rappeler comment elle est arrivée là. Mais Victoire Desnoyelles n’avait rien d’une midinette. Peut-être éprouvait-il même une certaine admiration pour cette femme. Elle les avait tous bernés. Les socialistes, les radicaux, les vieux briscards, les jeunes carriéristes, les Clemenceau, les Briand, tous ces fins stratèges qui n’avaient pas couvert leurs arrières, tous ces politicards présomptueux qui avaient cru que sa course s’arrêterait à la députation du Nord qu’ils lui avaient jetée comme un morceau de leur gâteau.
Une femme ! Une invisible souris dans un coin de mur qui avait grignoté les pieds de leurs fauteuils. Comment avait-elle fait ? Il ne se l’expliquait pas. Personne ne se l’expliquait.
Au début de son ascension, les journaux s’étaient jetés sur elle.
Victoire Desnoyelles avait été leur pain bénit. Ils l’avaient insultée, mise en pièces, lui avaient inventé des relations avec l’ensemble du personnel politique. Le temps de se rendre compte qu’ils avaient choisi le mauvais bord, elle devenait présidente du Conseil. Elle tenait la France dans sa main, une main sans bagues, presque une main d’homme.
« Voulez-vous que je vous raconte une histoire ? » L’ingénieur s’était avancé, l’œil brillant. L’huissier se tourna vers lui pour l’inciter à continuer sans trop ouvertement contrevenir au règlement.
« Il y a quelques années, j’avais été convié comme beaucoup d’industriels parisiens à une réception que donnait Madame Desnoyelles. Elle fêtait à l’époque son accession à la députation, qu’elle appelait avec malice son péché originel. Elle voulait se présenter à tous ces vieux messieurs en costume qui font tourner la machine à produire. Il n’en manquait pas un. Peu l’ont souligné, mais cela représentait à mes yeux un nouvel exploit, peut-être aussi remarquable que son élection. L’essentiel de ce bataillon d’entrepreneurs payaient leurs ouvrières moitié moins que leurs maris, taquinaient leurs secrétaires en échange de primes de fin de mois et interdisaient à leurs épouses d’aborder le sujet du vote des femmes à la table dominicale. Qu’à la cérémonie d’allégeance à notre Jeanne d’Arc tous ces messieurs accourent en ordre rangé tenait du miracle.
« Les politiciens, quant à eux, n’avaient pas fait le déplacement. Quelques machiavels avaient décrété que sa course s’arrêterait à cette consécration provinciale. Elle venait, à la place, fêter un nouvel envol au cœur même de leur fief, dans un restaurant parisien. Sans doute les états-majors n’avaient-ils pas encore décidé comment il convenait de réagir.
« Si insolite qu’elle fût, la soirée s’avéra somme toute assez conventionnelle. Toutefois, un jeune sot vint égayer la sage assemblée. C’était un journaliste du nom de Bompain. Il travaillait au Figaro mais son nom ne me disait rien. C’était, à l’évidence, un jeune tirailleur envoyé là dans le seul but d’ébranler notre reine du Nord par quelque attaque gratuite.
« Il profita d’un toast et du silence qui s’ensuivit pour lâcher à l’assistance une sombre histoire de restaurant saccagé par une troupe avinée. Après avoir longuement vanté les mérites insoupçonnés de cet établissement que personne ne connaissait, il affirma détenir les preuves de l’appartenance de ces sauvages à un comité de soutien, assurément trop actif, à notre future présidente. Il me sembla évident que madame Desnoyelles ne pouvait pas être tenue coupable de tels débordements. Mais elle endossa la responsabilité avec élégance et fit une réponse qui nous surprit tous.
« Elle annonça sur un air de farce que ledit restaurant serait miraculeusement remis à neuf avant le lendemain matin. Elle s’engageait à inviter personnellement ce journaliste à la meilleure table de Paris si elle manquait à sa promesse. Elle ajouta qu’elle participerait elle-même aux travaux.
« Ceci étant dit, le journaliste s’éclipsa, sans doute pour se hâter de coucher l’anecdote dans l’édition du matin. Madame Desnoyelles poursuivit ses discussions jusqu’à fort tard et on n’en reparla plus.
« Ma curiosité de Breton piquée au vif, je m’empressais le lendemain de me faire conduire devant le fameux restaurant. Je le trouvais en ruine, la porte enfoncée et les vitres brisées, barrées par des planches. Devant cette désolation je reconnus Bompain, notre jeune journaliste. Il avait amené un complice photographe et tous deux avaient passé la nuit devant la porte close à guetter l’improbable arrivée d’une députée à la tête d’une troupe de maçons. La pluie était tombée en abondance ce soir-là et les deux pauvres bougres faisaient peine à voir. Je les questionnais au passage. Bompain était fatigué, trempé, ridiculisé par ce mauvais tour mais heureux, après tout, d’avoir gagné un pari qui l’amènerait à la meilleure table de la capitale.
« Ce n’est que quelques jours plus tard que j’appris d’un ami le dénouement de ce délicieux canular. Le chauffeur de madame Desnoyelles était venu chercher notre Bompain à son domicile à huit heures sonnantes. À sa grande surprise, la voiture l’amena au fameux restaurant, flambant neuf, où la députée l’attendait, déjà attablée. Elle lui expliqua d’abord que son panégyrique de la veille l’avait convaincue que c’était là la meilleure table de Paris et qu’il n’y avait pas lieu plus approprié pour fêter la victoire du journaliste. Elle s’excusa ensuite d’avoir dû attendre le matin pour effectuer les travaux à cause de la pluie et lui dit avoir justement dédommagé le propriétaire pour le manque à gagner.
« Elle fut donc quitte d’un hareng-pomme à l’huile qu’elle dégusta avec gourmandise face au jeune homme médusé, furieux d’avoir manqué le spectacle de l’inexplicable remise à flot de sa gargote favorite. Je dois avouer que moi-même, qui ne suis pourtant pas novice en matière de construction, je me demande toujours aujourd’hui comment elle a pu si rapidement faire de ces ruines un restaurant. »
Fulgence Bienvenüe savoura la face hilare de son auditeur, inestimable récompense des conteurs de bonnes histoires. L’huissier se repassait encore les meilleurs moments de l’anecdote en remuant les lèvres. Il se surprit à espérer que la réunion s’attarde un peu plus.
« Vous savez que je suis breton comme vous ? tenta-t-il. Je suis un Le Guenn, de Landerneau.
— Landerneau ? Alors nous sommes voisins. Je suis de Morlaix. »
Le sobre couloir rouge et or s’était brusquement réchauffé. Pour les deux Bretons, il était devenu une taverne de marins. L’ingénieur déplaça le siège Louis XVI pour faire face à son interlocuteur. Puis il s’assit comme s’il s’installait pour une longue veillée.
L’huissier poursuivit.
« Je suis arrivé à Paris il y a quinze ans. Mais j’ai laissé ma famille au pays.
— Vous êtes marié ?
— Oui. Et j’ai deux beaux-fils. Des jumeaux.
— Des jumeaux ? Alors voilà encore un point qui nous rapproche, mon ami.
— Vraiment ? Vous avez des jumeaux vous aussi ?
— Un garçon et une fille. Ils sont grands maintenant. »
Ses sourcils se figèrent, gâtant un peu sa face joviale. Il crut bon de se justifier : « Je suis juste un peu inquiet car ma fille, Lucille, a passé l’après-midi du côté de l’Hôtel de Ville. Vous êtes au courant pour l’attentat ? »
L’huissier acquiesça avec sévérité. Il était un professionnel de la mine grave. Avec les sourires, la taverne bretonne s’évapora dans un souffle. L’ingénieur continua : « Ils ont mitraillé des civils, des femmes ! Quelle bassesse ! Qui peut avoir ravalé son honneur au point d’utiliser des armes de guerre contre les clientes d’un grand magasin ? La présidente n’avait pas besoin de ça. »
L’huissier gardait le silence mais ses yeux approuvaient sans retenue.
« Le plus fâcheux c’est qu’encore une fois tout le monde accuse la Horde d’Or. La Horde providentielle qui comme le bouc émissaire des Écritures endosse tous les péchés de notre société. C’est un cancer qui progresse dans les esprits et qui ronge la France de l’intérieur. Vous savez que, même sur mes chantiers, des rails disparaissent, des traverses, des câblages, des outils. C’est une hémorragie. Et jamais un coupable. Qu’on accuse un ouvrier, les syndicats l’innocentent et invoquent la Horde invisible. Qu’on dénonce un ingénieur, c’est un député qui intervient pour accuser le Grand Khan. C’est à se demander si cette organisation omnipotente n’est pas un mythe pour excuser une augmentation généralisée de la délinquance. Tous ces pauvres paysans bretons qui arrivent par trains entiers pour travailler à la capitale. Ils ne parlent même pas le français. Mettez-vous à leur place. Un chapardage par-ci un larcin par-là et on paie la logeuse ou la bouteille du soir. Ils savent qu’ils ne seront pas poursuivis. Tant qu’ils ne se font pas prendre la main dans le sac, on accusera la Horde et personne ne les inquiétera. À les écouter tous, leur Grand Khan serait le diable en personne. Moi, je vous parie qu’il n’existe même pas. Ce n’est qu’un croque-mitaine qui simplifie les problèmes de beaucoup de gens, croyez-moi ! Sauf de notre présidente qui n’a vraiment pas besoin de lui.
« Non, je vous le demande : pourquoi ce supposé maître incontesté de la pègre parisienne, ce pouvoir derrière le trône qui tirerait en secret toutes les ficelles, pourquoi sortirait-il de l’ombre aujourd’hui pour aller mitrailler un magasin de froufrous ? Les enquêteurs feraient mieux d’aller chercher du côté des créanciers du Bazar de l’Hôtel de Ville ou chez les maîtresses de son patron ! »
L’ingénieur parlait en fixant le tapis rouge à ses pieds. Il releva brusquement la tête. L’huissier l’écoutait toujours avec attention mais il avait reculé d’un pas. Plus près de la porte, il avait retrouvé sa fonction. L’ingénieur se leva et tira sur son gilet. L’huissier regarda la pendule dorée sur le mur d’en face.
« Je suis vraiment désolé, monsieur Bienvenüe. Il est tard et vous devez avoir bien des choses à faire. Cette réunion est si imprévue. L’organisation de la journée a été un vrai cauchemar. Je peux vous assurer que la réception d’un tsar ne se prépare pas comme une visite d’ami.
— On est venu me chercher à la sortie de mon bureau. J’ai eu juste le temps d’attraper mon chapeau. Alors, vraiment ? Cette visite du tsar de Russie est inopinée ?
— La présidente vous en dira plus. Mais je sais que Son Altesse le tsar Nicolas II a demandé personnellement à découvrir votre train métropolitain. On dit même que c’est là l’unique raison de son voyage.
— On m’en a informé et j’en suis très honoré. J’ai immédiatement demandé à mes équipes de préparer la ligne n°1 mais c’est un travail énorme. Je suis flatté que madame la présidente puisse me croire capable d’une telle prouesse. »
L’huissier rit en silence et retrouva un instant son visage de marin breton. L’ingénieur continua.
« En fait, je ne sais pas grand-chose de cette réunion. Pouvez-vous m’indiquer quels en sont les participants et l’ordre du jour ?
— Madame Desnoyelles reçoit les responsables russes de l’organisation et de la sécurité de ce voyage. Vous rencontrerez monsieur Barsky, le chef du protocole de Son Altesse le tsar, ainsi que son secrétaire. Il est arrivé ce matin de Moscou avec le comte Andreï Vasilyev, le directeur de l’Okhrana.
— L’Okhrana ?
— Ce sont les services secrets de Son Altesse le tsar Nicolas. Ils sont responsables de la sécurité de leur souverain. Ils disposent d’un bureau spécial à Paris dont le directeur est aussi présent ce soir. Il s’agit de monsieur Cherkasov.
— J’ai une bonne mémoire des noms mais je dois reconnaître que vous me posez un vrai problème. Et du côté français ?
— Madame Desnoyelles est accompagnée de son greffier, monsieur Rodolphe. Elle a fait venir aussi le préfet de police monsieur Louis Lépine et le colonel Mazars de la Garde républicaine. Et, il y a enfin le secrétaire d’État, monsieur Alexis de France.
— De France ? Il est là ? C’est mon beau-frère ! » L’ingénieur partit d’un petit rire spontané. Cet épouvantail l’avait toujours amusé. Un physique de don Quichotte. C’était un Defronce mais il se faisait appeler de France depuis qu’il faisait de la politique. Il se tenait toujours très droit et avait la manie de regarder d’en haut même les gens plus grands que lui. Il parlait avec un accent traînant qui ajoutait une touche d’aristocratie aux réunions de famille. Ce n’était pas un mauvais bougre. Son accession au poste de secrétaire d’État dans le gouvernement Desnoyelles avait surpris tout le monde. Et cette nomination inattendue l’avait propulsé aux côtés du grand Fulgence, jusqu’aux plus hautes marches du panthéon familial.
Le vieil ingénieur n’était jamais parvenu à percer les secrets de cette fulgurante réussite. La compétence n’était pas une explication recevable. L’oncle Alexis, comme l’appelaient les enfants, ne lâchait jamais un mot sur son ministère et en gonflait passablement l’importance en invoquant la confidentialité voire le secret d’État. Que la présidente ait fait appel à lui pour faire face à tous ces dignitaires russes ne faisait qu’épaissir le mystère. Il pensa un instant à la rumeur d’une liaison galante que colportait un cousin médisant. Son amour-propre chassa l’idée avec dégoût. Peut-être était-il le seul représentant civil du gouvernement disponible aujourd’hui pour prendre place aux côtés des représentants de la police et de l’armée ? Il préférait cette explication.
L’huissier rajusta la grosse chaîne dorée qui lui donnait un air de taste-vin.
« Il est tard. Je vais prévenir madame la présidente de votre arrivée. »
Il resta là comme s’il attendait un encouragement. L’ingénieur le remercia poliment. Il fit un quart de tour militaire puis saisit la poignée de porte qu’il actionna avec une extrême lenteur. Il se glissa dans la pièce en rentrant le ventre, tel un voleur.
La voix de Victoire Desnoyelles s’échappa dans le couloir comme un animal sauvage.
« Il n’en est pas question ! » Autour de la longue table, la présidente les avait tous figés sur place. Seul le greffier, un petit homme velu assis à ses côtés, continuait d’écrire se demandant s’il était convenable de faire figurer un point d’exclamation à un compte rendu de séance.
En face d’elle, seul le comte Vasilyev soutenait son regard de ses yeux pâles que surplombait un front imposant, bombé comme une carapace de tortue. Le militaire était venu en grande tenue. Peut-être avait-il cru qu’une pleine quincaillerie de rubans et de médailles suffirait à impressionner cette présidente en qui il n’avait vu que la femme. Et chaque nouvelle explosion de cette furie ébranlait un peu plus ses certitudes de gradé et aggravait un désarroi qu’il tentait de dissimuler derrière une moue dédaigneuse.
Après un silence qu’elle maintint le plus longtemps qu’elle put, la présidente asséna sa décision d’une voix glacée.
« Dès qu’elle aura traversé la frontière, Son Altesse le tsar Nicolas II verra sa sécurité assurée par la Garde républicaine sous le commandement du colonel Mazars en coordination avec les forces spéciales mises à disposition par monsieur le préfet de police Lépine. Il est hors de question de confier ce commandement au personnel de l’Okhrana et je m’étonne même que vous ayez osé en faire la suggestion ce soir. Il n’est pas non plus envisageable d’apporter la moindre modification à l’organisation de la sécurité de ce voyage à moins de vingt-quatre heures de l’arrivée de Son Altesse à Paris. »
Ce n’est pas comme cela qu’un chef de gouvernement devait s’adresser à des représentants d’une grande puissance alliée et c’est bien ce qui perturbait tout le monde. La France avait changé de style, on les avait prévenus. La présidente passa le relais au préfet Lépine d’un coup d’œil entendu.
L’homme avait gardé les bras croisés depuis le début de la réunion. Une grimace de bouderie lui revenait comme un tic qu’amplifiait sa moustache touffue taillée à la mode. C’était le curieux mélange d’un instituteur rigide et d’un oncle débonnaire. Il s’enfonça dans sa chaise pour adoucir la sévérité de sa sentence. Mais au fil des mots, un air sec dans sa voix vint gâcher la chaleur de son accent lyonnais.
« Madame, la sécurité du territoire est un élément majeur des prérogatives de votre gouvernement. Qu’un pays comme la France abandonne sa souveraineté au profit d’une puissance étrangère serait tout à fait inédit. Même s’il s’agit de son plus précieux allié et même si l’on ne parle ici que d’une visite de deux jours. Il n’y a pas mieux placé que ma police pour veiller sur la vie de Son Altesse le tsar. Je ne mets pas en doute les qualités des services de l’Okhrana, mais tenez, par exemple, il m’avait été annoncé la présence de trente-sept invités dans la suite du tsar. Or, aucune liste officielle ne m’a encore été présentée. À vingt-quatre heures des premières cérémonies, de telles négligences sont inacceptables. Croyez-moi, il est trop tard pour changer notre fusil d’épaule. Alors, en tant que préfet de police, je m’oppose à un transfert d’autorité vers les services secrets de Sa Majesté. »
D’en face, Cherkasov, le directeur du bureau parisien de l’Okhrana, lui sourit comme à un vieil ami. De fait, il connaissait bien le préfet et lui vouait une sympathie qui n’était pas feinte. Il retira ses petites lunettes métalliques pour adoucir son visage.
« Madame la présidente, monsieur le préfet, vous comprenez, j’en suis sûr, la situation délicate qui est la nôtre. » Son débit mesuré et sa prononciation précise révélaient son amour de la langue française. « Les risques liés à cette visite sont très importants. La présence à Paris de révolutionnaires impliqués dans les événements de 1905 nous préoccupe. Le dirigeant de la fraction bolchevique du Parti social-démocrate, M. Vladimir Oulianov, qui se fait appeler Lénine, habite Paris depuis plusieurs années. Il déambule en toute tranquillité, il participe à des réunions politiques, il imprime même un journal. Le frère de cet homme, je vous le rappelle, a été pendu pour avoir attenté à la vie du tsar Alexandre III ! » Sa voix s’était envolée dans un élan romantique typiquement slave qui fit malencontreusement sourire le préfet.
La présidente intervint. « Je suis au courant de toutes ces choses, monsieur le directeur. Croyez-moi, je connais le palmarès de ce monsieur Lénine et je n’apprécie pas forcément qu’il ait choisi la France comme base arrière. Cependant, sa situation est parfaitement légale. Je n’en dirais pas autant de la plupart de vos agents qui semblent parfois oublier qu’ils sont, en France, soumis à la loi française. »
Cherkasov eut un sursaut, bien avant son supérieur moscovite qui dut retourner plusieurs fois la phrase avant de la comprendre. Il joua l’indignation mais la présidente ne le laissa pas répondre.
« Savez-vous que nos services de police reçoivent, chaque semaine, des plaintes concernant vos hommes ? Parfois même, ces plaintes proviennent d’exilés russes. Lénine se moque de vous. Je vous assure que vous feriez mieux de laisser faire la police française.
— Madame, il ne s’agit pas de petits délinquants ni même de truands organisés. Ces hommes sont des révolutionnaires qui ont déjà, par une fois, fait céder notre régime lors des événements d’octobre. N’oubliez pas que la France et la Russie sont des sœurs.
— Je vois que vous avez féminisé vos images ! Permettez-moi de vous rappeler que ce voyage que vous dites si dangereux est une initiative du tsar Nicolas II lui-même. Personne ne l’oblige à prendre ce risque. »
Le comte Vasilyev grogna. Il verrouilla sa mâchoire et s’engagea à nouveau dans une joute oculaire avec cette femme qui décidément n’était pas à son goût. En hésitant sur les mots, il égrena de sa voix de basse profonde : « Voulez-vous dire que vous n’approuvez pas cette visite ?
— Mais je l’approuve, monsieur le comte ! La France se réjouit de la visite de Son Altesse le tsar Nicolas II. Et même si je m’amuse des termes employés par monsieur le directeur Cherkasov, je les adopte volontiers. La France et la Russie sont bien deux sœurs. Et même, pourquoi pas, les mères dont l’Europe a besoin. Face à l’Allemagne de Bismarck, notre alliance est celle du progrès et de la modernité. Et je ne peux qu’approuver la volonté de Son Altesse de visiter notre métropolitain, symbole de l’avancée technologique de mon pays.
« Je comprends vos inquiétudes, messieurs. Elle explique la rudesse de votre proposition. Mais n’en parlons plus et passons à la suite. »
Des deux côtés de la table, les épaules retombèrent. Monsieur Rodolphe, le greffier velu, étira ses doigts douloureux et toisa son vis-à-vis qui terminait à peine le paragraphe précédent. La présidente replaça une mèche qui l’agaçait depuis plusieurs minutes. D’un tour de main habile, elle l’enroula à un chignon qu’elle tenait fixé à l’aide d’un filet, à l’andalouse. C’est ce qu’elle avait trouvé de plus sobre. Ces détails étaient son casse-tête quotidien, une lutte sans répit pour effacer sa féminité sans paraître la cacher. Elle surprit sur le visage imposant du militaire une expression intéressée, presque compréhensive.
Elle ferma les yeux un instant. La France fabriquait des voitures automobiles et des trains, elle faisait voler des aéroplanes tous les jours de la semaine. Qui d’autre pouvait tenir tête à l’Allemagne ? C’était une question de bon sens. Ces Russes n’avaient pas d’autre choix que de revenir sur leurs exigences.
Et c’est ce moment que le colonel Mazars trouva idéal pour avancer son propre ordre du jour. Il avait fière allure dans son uniforme de cavalier. Il avait exhumé un plastron rutilant et une veste à brandebourgs ornée d’épaulettes et d’une triple tresse dorée. Il ne lui manquait que les joues rouges pour jouer le casse-noisettes.
« Madame la présidente, avez-vous étudié ma proposition d’un défilé sur les Champs-Élysées ? Si vous me permettez, une simple visite du métropolitain manque quelque peu de panache. On ne peut pas y masser la foule ni y amener nos chevaux. Les Parisiens aiment le tsar et il ne faudrait pas qu’ils croient que Son Altesse vient uniquement pour arpenter ces couloirs sombres et humides. »
On rit autour de la table mais on n’était pas loin de penser effectivement comme ces Parisiens.
« Aussi, je vous propose de présenter sur la place de la Concorde la reprise du tandem ou le carrousel des lances. Quelque chose d’un peu festif. »
Sa proposition réveilla le chef du protocole Barsky, un homme venu d’un autre âge. De longs cheveux gris impeccables et un port suranné de lévrier afghan révélaient l’esthète et le gardien des traditions. Il s’enthousiasma dans un français irréprochable. « Permettez-moi d’ajouter à votre proposition, colonel, une démonstration de nos hussards qui évoquera à n’en point douter les grandes heures de l’armée russe. »
La présidente ne goûta pas l’image. Elle le coupa sèchement.
« Messieurs, nous ne nous sommes pas déplacés pour régler un spectacle équestre. Colonel, j’ai déjà donné mon accord pour la cérémonie des Champs-Élysées ainsi que pour une simple présentation des armes pour l’accueil du tsar à la gare du Nord, demain soir. Je vous laisse carte blanche pour nous organiser une de ces revues qui ont fait votre réputation. Je vous rappelle qu’il ne vous reste que vingt-quatre heures et je vous engage à vous mettre rapidement en relation avec monsieur Barsky afin de coordonner les derniers détails. »
Le directeur Cherkasov retira de nouveau ses lunettes et s’humecta les lèvres. La présidente redouta que cette digression n’ait permis aux Russes de fomenter une nouvelle manœuvre. Elle maudit le colonel, ses pendeloques et ses canassons.
Cherkasov reprit le débat.
« Je remercie le colonel Mazars pour son intervention. Mais je souhaiterais revenir sur la question qui nous intéresse afin de vous faire une nouvelle offre.
« La nécessaire présence de nos agents sur votre territoire ne vous est pas toujours intelligible. Nous le comprenons et cela explique votre point de vue. Aussi, dans le souci de formuler un compromis acceptable par les deux parties, nous proposons que la responsabilité de la sécurité de Son Altesse le tsar Nicolas par les services de l’Okhrana se limite strictement à la visite du métropolitain. En dehors de cela, nous laisserions votre police opérer. »
La présidente ne comprenait pas le sens de cette ouverture. Voilà qu’ils abandonnaient tout de go leurs prétentions démesurées pour ne garder que le contrôle de la balade en train. Sans doute désiraient-ils seulement sauver la face. Était-ce si simple que cela ?
« Craignez-vous un risque particulier lors de cette visite ? » avança-t-elle, pour comprendre.
« Non, mais nous avons pensé que c’est dans les souterrains que notre police serait la moins visible et troublerait le moins l’autorité de vos forces aux yeux de vos citoyens. »
Elle n’avait jamais parlé de cela. Le problème, c’était la souveraineté de son gouvernement sur le sol national. Un principe que l’on ne discute pas. L’image de la police était le cadet de ses soucis.
« Qu’en pensez-vous, monsieur le préfet ?
— Je n’ai jamais été favorable à cette visite du métropolitain, répondit Lépine, qui avait retrouvé son accent lyonnais. Certains tunnels sont toujours en chantier et nos hommes ne sont pas habitués à ce milieu d’intervention.
— Ce n’est pas le sujet, monsieur Lépine. Son Altesse le tsar a personnellement souhaité cette visite et mon gouvernement approuve pleinement ce choix. Cette visite aura lieu. La question qui se pose est celle de la responsabilité de la sécurité dans les couloirs du métropolitain.
— Permettez-moi d’émettre une suggestion qui pourrait apaiser les craintes de monsieur le préfet Lépine, intervint Cherkasov. Il suffirait de fermer cette visite au public afin d’en faire strictement un problème de sécurité russe. Mis à part la délégation française dont vous assureriez bien évidemment la protection, il n’y aurait alors que des Russes dans les couloirs du métropolitain. »
La présidente interrogea le préfet d’un rapide haussement de sourcils. Il se tassa et retrouva son air bourru.
« Cela signifierait, madame, que pendant ces deux jours ces tunnels ne feraient pour ainsi dire plus partie du territoire français. Êtes-vous prête à un tel renoncement ? »
Bien sûr que non. Lépine avait raison. Ce caprice des Russes, même restreint au métropolitain, n’avait rien à faire dans une réunion préparatoire à la visite d’un chef d’État. À côté d’elle, la plume de monsieur Rodolphe griffait le papier. Il s’agissait de bien choisir ses mots, les mots d’une France qui réaffirme ses principes avec fermeté.
Mais Cherkasov ne lui en laissa pas le temps.
« Madame la présidente, nous avons appris à notre arrivée la terrible nouvelle de l’attentat qui a frappé le cœur de votre capitale cet après-midi. Ni l’annulation ni même le report du voyage de Son Altesse le tsar ne sont envisageables. Aussi, vous comprendrez l’inquiétude légitime qui est la nôtre aujourd’hui.
— Monsieur le directeur, vous connaissez bien Paris et vous savez que de tels crimes ne font pas partie de notre paysage. Je comprends que la proximité de cet événement avec la visite qui nous occupe vous alarme. Cependant, je vous affirme, et le préfet Lépine vous le confirmera, que nos enquêteurs disposent de pistes sérieuses. Ce dossier sera clos avant même que votre souverain foule le sol de la capitale. »
Le préfet avait gardé les bras croisés et acquiesça en fermant les yeux. Cherkasov se pencha vers elle. Sa voix siffla entre ses dents serrées.
« Je ne souhaite pas remettre en cause d’une quelconque manière l’efficacité de vos forces policières, cependant il se trouve que mes services disposent d’informations qui nous laissent à penser – comment dire ? – que la police française n’investit pas nécessairement tout le zèle que l’on attendrait d’elle dans la lutte contre le Grand Khan et sa Horde.
— Assez ! » Victoire Desnoyelles s’était levée et, une fois de plus, la salle avait sursauté. « Monsieur Cherkasov, monsieur le comte Vasilyev, je ne permettrai pas que vous vous immisciez davantage dans les affaires intérieures de mon pays. Et je conseillerais à vos services secrets d’aller chercher leurs informations ailleurs que dans la presse populaire !
— Veuillez pardonner mon effronterie, madame. » Ses pommettes restèrent crispées sur un rictus hypocrite. À ses côtés, le comte s’éclaircit la gorge sans regarder la présidente toujours debout face à lui. À ce signal, Cherkasov lâcha prise et s’effaça. La voix grave de son supérieur se mit en branle avec lenteur : « Le pouvoir grandissant de la Horde d’Or est un sujet qui préoccupe notre gouvernement. Cet intérêt n’est pas récent et ne se limite pas à la visite de notre souverain. Peut-être savez-vous que la personnalité – la nature, devrais-je dire – du Grand Khan suscite des inquiétudes bien au-delà de vos frontières. »
La présidente plissa les yeux. Il se passait quelque chose. Elle regarda le comte qui guettait sa réaction. Ces Russes savaient ce qu’ils disaient. Même l’agressivité maladroite du directeur Cherkasov sentait le coup monté. Ils cherchaient à amener la discussion sur un terrain nouveau. Elle se rassit en mesurant ses gestes, sans les quitter des yeux.
« Auriez-vous à me communiquer des informations que je pourrais ignorer ? essaya-t-elle. Concernant la Horde, par exemple. »
Dans le duo de virtuoses, ce fut à Cherkasov de prendre le relais.
« Les agents de mon bureau parisien travaillent essentiellement à la surveillance de monsieur Vladimir Lénine et de ses amis bolcheviques. Mais vous connaissez la nature des activités de renseignement. En suivant une piste, on en croise d’autres et à Paris, en ce moment, toutes les pistes remontent au Grand Khan.
— Venez-en au fait, monsieur Cherkasov.
— Il se trouve que, récemment, certaines de ces informations nous ont amenés à nous intéresser à ce que vous appelez le problème implexe, je crois. »
La présidente Desnoyelles chercha une mèche à rattacher à son chignon. Il n’y en avait pas. Sa main resta posée sur sa nuque alors qu’elle regardait la table. Pendant un instant, Cherkasov la laissa réfléchir.
« Je ne doute pas de l’intérêt des informations auxquelles vous faites allusion, finit-elle par dire. Mais ce sujet me semble bien éloigné de l’ordre du jour. Il est tard et il nous reste à tous moins de vingt-quatre heures pour préparer la visite de Son Altesse le tsar dans les meilleures conditions de sécurité. Aussi, je vous demanderais de bien vouloir poursuivre cette discussion lors d’une prochaine réunion.
— Madame… » Cherkasov avait haussé le ton. Les greffiers levèrent leurs plumes. « Nous savons que vous accordez à ce problème un égard tout particulier. À tel point que nous nous en étonnons parfois. Nous avons bien noté, par exemple, la présence, dans cette salle, de votre ministre des Affaires implexes, puisque c’est comme cela que vous l’appelez. »
Les têtes se tournèrent vers cet homme qui se taisait depuis le début de la réunion. Il s’était volontairement placé en bout de table. La pénombre l’aida à dissimuler son malaise. Il était osseux et pâle. Seul signe de vie dans cette face de carême, ses yeux perdus dans des orbites trop profondes qui sautaient d’un visage à l’autre.
La présidente vint à son secours. « Monsieur de France est un élément essentiel de mon gouvernement. Il participe à de nombreuses réunions importantes, comme celle de ce soir. » Elle dévisageait Vasilyev. Elle se dit aussitôt qu’elle avait eu tort de se justifier ainsi.
Cherkasov s’élança. Pour le coup de grâce, pensa-t-elle.
« Notre mission, madame la présidente, consiste à participer à la résolution des problèmes internes de notre pays en neutralisant monsieur Vladimir Lénine et sa clique bolchevique. Or ce combat se joue ici même, dans les rues de Paris, où tous ces révolutionnaires vivent en paix. Déjà soumis à la pression constante des mesquineries de votre administration, nos agents se heurtent désormais à ce Grand Khan et à sa puissante organisation. Et de fil en aiguille, ce monsieur nous mène aujourd’hui aux Affaires implexes dont vous avez fait un ministère. Non, nous ne sommes pas tant inquiets de l’attention que vous prêtez à ce criminel ou, devrais-je dire, des liens qui vous unissent à lui. Nous nous interrogeons surtout sur la nature de ces liens…
— Vous diffamez, monsieur ! »
La présidente se leva une nouvelle fois. Mais cette fois, son trait d’humeur ne sembla plus impressionner la délégation russe. Le comte saisit l’avant-bras de son directeur pour lui signifier qu’il était inutile d’aller plus loin. Il se réservait la conclusion. Son accent russe et sa voix rendue plus grave encore roulèrent comme la timbale qui marque la fin de l’acte.
« Mon gouvernement m’a chargé d’assurer la sécurité de notre tsar lors de sa visite dans votre capitale. Mon rôle ne va pas plus loin, madame. Il serait malheureux que vous preniez les allégations de monsieur Cherkasov pour des menaces. Elles démontrent uniquement l’excellente qualité de ses renseignements. Savez-vous que l’on raconte sur la place parisienne que notre Okhrana peut faire tomber qui elle veut ? Et pourquoi pas le Grand Khan ? Ou les personnes qui l’emploient…
« Mais je m’égare. Il est grand temps de passer à la suite des préparatifs. Aussi, pour conclure le point qui nous occupe, permettez-moi seulement de reformuler encore notre requête. Accepteriez-vous, madame, de déléguer l’entière responsabilité de la sécurité du métropolitain aux hommes de l’Okhrana, pour la durée de la visite du tsar ? »
Victoire Desnoyelles se rassit, le dos bien droit.
« Je comprends, monsieur le comte. Et je vous accorde ce que vous demandez. Je ferai le nécessaire pour que les services de la police française respectent mon engagement. »
Lépine fit mine d’intervenir. D’un geste discret, elle lui signifia qu’il n’y avait rien à ajouter. Cette fois, les greffiers pouvaient commencer leur relecture.
Au bout de la salle, en dehors du globe de lumière des lampes électriques, l’huissier faisait son travail d’huissier. Adossé à la porte, il n’entendait pas, il ne voyait pas. À la rigueur, il aurait pu penser, à son emploi du temps du lendemain, à sa famille restée en Bretagne. Mais il se faisait une fierté de se l’interdire.
Un long silence était le signe qu’il attendait. Il fit quelques pas et s’inclina avec cérémonie.
« Madame, monsieur l’inspecteur général des Ponts et Chaussées, Fulgence Bienvenüe, est arrivé. Il attend dans le couloir. »
Il avait l’habitude que la présidente lui réponde sans le regarder.
« Monsieur Bienvenüe, répéta-t-elle lentement.
— Il attend depuis près d’une heure maintenant.
— Très bien. Nous avons terminé. Faites-le entrer. »